Paris, 2 décembre 2004, 6:45

Le soleil se levait lentement sur la capitale quand le téléphone me fit sursauter. Qui pouvait donc m’appeler à cette heure matinale ? Heureusement que je ne dormais pas. A l’autre bout du fil, Frédéric bafouillait quelques mots. Je mis quelques secondes à comprendre le but de son appel. Il en avait enfin trouvé un. Je lui demandé où l’avait-il contacté. Il me répondit sur Internet. On trouve tout sur le Net. Il est vrai que lors de mes précédentes enquêtes pour Alchimia Magazine, c’est grâce au Net que j’avais pu rencontrer des satanistes et autres adeptes de magie noire.

Mon matériel fut rapidement bouclé et après quelques 30 minutes de métro je me pointais au rendez-vous en banlieue parisienne. L’endroit était lugubre mais je n’étais pas étonné du lieu de rencontre : un mausolée au beau milieu d’un cimetière abandonné. Je descendis dans la crypte. L’humidité me glaçait le sang. L’homme m’attendait, assis dans un vieux fauteuil poussiéreux. Son teint blafard me faisait penser à ces malades en phase terminale. Il esquissa un semblant de sourire mais je ne savais pas si je devais lire dans ses yeux de la haine ou un grand sentiment de détresse. Je m’asseyais face à lui, assez impressionné de pouvoir enfin rencontrer un vampire. Je posais mon magnétophone sur la table, l’entretien pouvait débuter.

“ J’espère que la mise en scène vous plaît ? ” dit il tout en se levant et en me tendant la main. Le contact était frais mais non glacial. La chair était dure, voire musclée et ferme, j’étais déçu.

Alchimia Magazine : Bonjour Paul. Tout d’abord laissez-moi vous remercier d’avoir accepté de me rencontrer.

Paul – Bonjour, c’était tout naturel pour quelqu’un d’aussi enthousiaste que vous, d’aussi frais et vivant !

Alchimia Magazine : – Quel est votre date de naissance ?

Je suis né officiellement, en tant que mortel en 1787 mais c’est le genre de chose que l’on ne demande pas lorsque l’on est poli. La vie était dure, la nourriture rare et la lutte constante. Je n’était pas le plus fort ni le plus endurant mais je voulais vivre. Je pense que c’est pour ça que je suis ici aujourd’hui.

Alchimia Magazine : – Ce qui vous ferait 212 ans ! C’est impressionnant. Pourquoi “ officiellement ? ”

(Sourire énigmatique)

Alchimia Magazine : – Vous prétendez être un vampire. Comment le devient-on ? Est-ce génétique ? héréditaire ?

Malheureusement non, ce n’est ni génétique ni héréditaire. C’est beaucoup plus simple et terrible que cela. On le devient lorsqu’un immortel décide de faire de vous son descendant et de vous étreindre. Lorsque son sang devient le votre. Je ne suis pas du tout ce que vous croyez, ni ce que peuvent penser d’autres vampires.

Alchimia Magazine : – On peut donc dire que votre “créateur” est votre père ?

En quelque sorte, il s’agit d’une renaissance et de la redécouverte d’un monde que l’on croyait connaître.

Alchimia Magazine : – Qu’éprouvez-vous pour lui ? de l’amour ? de la haine ?

Chaque vampire éprouve pour son père des sentiments qui lui sont propre. Je doit avouer qu’avec le mien les relations étaient tendues…jusqu’à sa mort !

Alchimia Magazine : – Quelle impression avez vous eu la première fois que vous avez bu du sang humain ?

Nous étions au bord de la crise, la disette était proche. Le peuple grondait et j’avais faim. Ma transformation était une bénédiction. Dorénavant la nourriture serait facile à trouver.
A l’époque j’étais rempli de haine pour le monde en général et les nobles qui ne souffraient d’aucun manques. Une famille fut ma première victime. Ils périrent tous les six. Ils n’eurent aucune chance…

Alchimia Magazine : – Aimez-vous l’humanité ?

Avec le temps ma haine est retombée et ; chose étonnante, parce que très rare chez nous je me suis pris d’affection pour les mortels. L’éternité m’a permise de les comprendre et de les aimer. C’est le plus souvent l’inverse qui nous arrive.

Alchimia Magazine : – Combien de vampires “vivent” encore en France ?

D’après nos comptes aux environs d’un millier…mais il y en à qui sont de passage et ne se déclarent pas, d’autres qui vivent dans la clandestinité pour être tranquille ou qui sont recherchés. Sans compter les enfants abandonnés par leur père.
Au total, je crains que nous ne soyons au moins le double, ce qui est très gênant concernant la nourriture…

Alchimia Magazine : – Pourquoi ?

Vous connaissez les principes d’offre et de demande sur un marché. Notre nutrition est précise ; que du sang humain ou animal ;alors imaginez s’il y a trop de demande et pas assez d’offre !
Je vous ai déjà dis que vous sentiez bon ?

Alchimia Magazine : – Et dans le monde ?

Incalculable mais sûrement trop comme je viens de vous l’expliquer.

Alchimia Magazine : – Votre “ordre” est-il hiérarchisé ?

Heureusement oui, mais à l’instar de nations nous avons des limites géographiques et politiques à ne pas dépasser…officiellement. Des clans se sont formés regroupant les mêmes idéaux. Des familles de sang existent, le fils obéissant à son père qui obéit à son grand-père, ect.

Alchimia Magazine : – Existe-t-il un “roi” ou un chef des vampires ?

En France ?

Alchimia Magazine : – Oui.

Il s’appelle François Villon et je le trouve charmant. Il faudra que je vous le présente à l’occasion.

Alchimia Magazine : – (Humm !)Qui est-il et quel âge a-t-il ?

Comme je viens de vous le dire, il s’agit du roi vampirique de France et il est âgé d’environ 400 ans.

Alchimia Magazine : – Qu’attendez-vous de l’éternité ?

Elle m’a permise de me rendre compte de certaines de mes erreurs de jugement, de me découvrir et de découvrir le monde qui m’entoure. Sans elle jamais je n’aurais imaginé pouvoir entendre quelqu’un dire qu’il a marché sur la lune, entre autre. Il y tellement de choses incomprises, comme les autres races mythiques fées, garous, et autres races inconnues à découvrir, à comprendre.

Alchimia Magazine : – Que pensez-vous de l’image du vampire que l’on rencontre dans la littérature ou le cinéma ?

Il y a tellement de clichés, qui ne sont pas toujours faux mais la règle principale pourrait être que chaque vampire est unique, comme chaque mortel.
Toute vie est unique.

Alchimia Magazine : – Qu’aimez vous dans cette seconde vie ?

Tout ce que viens de dire et plus encore. Découvrir les limites de mes pouvoirs et les mystères du monde. Saviez vous que la magie existe vraiment, pas les tours de passe-passe mais la vraie magie, comme dans les légendes de Merlin. Un verre de vin ? (sa main se dirige vers la table sur laquelle repose un plateau d’argent ciselé, deux verres à pied gravés et une carafe de vin sombre et capiteux)

Alchimia Magazine : – La table était nue et maintenant c’est présent. Je prend en main le verre tendu. Il existe , froid et lourd. Le tour était bien préparé mais je ne suis pas crédule.

Il se contente de me regarder et de sourire tout en portant le verre à sa bouche.

Alchimia Magazine : – Et que détestez-vous ?

Ce que j’étais et les personnes pire que ce que j’ai pu être.

Alchimia Magazine : – Est-il vrai que vous ne supportez pas la lumière du jour ?

Effectivement, la lumière nous est fatale à court terme. Certains résistent plus longtemps que d’autres.
Quelques rares individus hors normes sont capable d’y résister sans inconvénients.

Alchimia Magazine : – Et les crucifix ? Pourquoi ?

Les crucifix ne gênent en rien un vampire normal, mais certains d’entre nous rongés par le remords de ce qu’ils sont devenus développent des ‘’allergies psychiques’’. Il faut signaler aussi que certains mortels surs de leurs convictions peuvent être très désagréables avec des symboles religieux, nous les appelons des Saints.

Alchimia Magazine : – Et l’ail ? Pourquoi ?

Comme les crucifix, l’ail ne peut être efficace que contre des vampires qui pensent que cela à un effet sur eux. Même les mortels les plus convaincus ne peuvent s’en servir contre nous, mais ils le pensent alors qu’il s’agit simplement de leur présence qui nous importune.
Cessez ces questions sans intérêt. Est ce que je vous demande combien de fois par jour vous vous brossez les dents !

Alchimia Magazine : – Puisque vous en parlez, allez vous chez le dentiste ?

Il suffit ! Vos propos commencent à m’échauffer !

Alchimia Magazine : – Pourquoi avez-vous accepté de répondre à mes questions ?

Après tant de difficultés et de recherches pour savoir si le mythe a une part de vérité, j’ai eu envie de savoir qui pouvait être ce reporter acharné et tenace. Savoir si c’était quelqu’un d’exceptionnel ou non. Pour l’instant je ne suis pas déçu.

Alchimia Magazine : – Quel est votre message pour nos internautes.

Vivez votre vie, profitez en !
Mangez, vous ne savez pas qui vous mangera.
Plus sérieusement, le monde autour de nous est incroyable, c’est une mécanique parfaite. Un ensemble qui survit grâce à chaque rouage et, tous autant que nous sommes mortels et immortels, gâchons notre lieu de vie, nous nous entre-tuons alors que nous pourrions vivre en harmonie. C’est dommage !

Alchimia Magazine : – On dit que vous brûlez aussi vite qu’un tas de vieux chiffons. Est-ce vrai ? Vous fumez ?
J’allumais mon briquet tout en lui proposant une cigarette. L’air amusé il accepta. S’approchant de mon bras tendu pour allumer sa cigarette. Je rentrais mon étui à cigarette et éteignis mon briquet.

Je peux fumer si le désir m’en prend. Mais je vous conseille de ne pas retenter avec d’autres. Ils sont souvent moins maître d’eux que moi, et surtout plus violent dans ce genre de cas !

Alchimia Magazine : – L’air que je vis sur son visage m’incita à la prudence. J’avoue que depuis le début de cet entretien, je doute un peu de votre véracité malgré vos tentatives. Comment pouvez-vous me prouver que vous êtes vraiment un vampire ?

Tel Saint Thomas vous ne croyez que ce que vous voyez. Très bien, je vais vous montrer. Il se leva et ses traits se déformèrent pour donner autre chose. Devant moi se tenait un jeune homme aux cheveux noirs courts, à la silhouette mince d’environ 1m90. Habillé d’un imperméable de coupe étrange, voire (trop) moderne, d’un pull col roulé et d’un pantalon à pince. Le tout de couleur noire. Complétant le tout une paire de chaussures de ville ne gâchait rien. A son poignet, une montre qui devait me coûter plusieurs mois de salaire étincelait dans la pénombre de sa manche. Ce qui me choqua le plus, c’était son regard d’enfant sans âge. Des yeux bleus pales qui me fixaient avec une intensité et un éclat étrange. Il regardait mon âme. Je frissonnait malgré moi. J’avais déjà vu un regard comme celui là, mais ou ?
Mon Dieu, je me souviens. C’était lors d’un documentaires sur la 5ème, un documentaire consacré aux prédateurs : Un regard de tigre de Sibérie.
‘’Effectivement, c’est mon héritage de vampire.’’ me dit il. Il captait mes pensées.
‘’Voyons votre héritage !’’

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