Quand un curé de campagne se retrouve à la tête d’une fortune coloassale sans s’être donné d’autre peine que celle de déchiffrer quelques vieilles inscriptions, on peut flairer l’existence d’une trésor. Lequel ? Celui des Wisigoths, celui des cathares ou celui du temple de Salomon ? Une plonge dans l’histoire d’une des régions les plus secrètes de France.

Semées de petites villes et de minuscules villages, des vagues de collines partant des Pyrénées pour venir mourir à Carcassonne. La terre est dure. Les habitants sont rares. Entre les coteaux de pierrailles trop sèches et les landes sauvages et sablonneuses que couvre le thym, des petits ruisseaux se fraient rapidement un chemin.

Carte du pays cathare, dans le Languedoc-Roussillon.

La région est pauvre. Elle était pourtant très riche. Autrefois, il y a 2000 ans, les Celtes Gauls y habitaient. Nahro – Narbonne – était leur capitale. Les Wisigoths, fondateurs du royaume de Septimanie, ont pris leur suite, jusqu’aux invasions musulmanes de l’an 700. Depuis, le pays se méfie : des tour de guet, aujourd’hui ruinées, cernent le paysage. Des châteaux forts achèvent de s’écrouler au sommet des collines. Pendant des centaines d’années, les hommes ont nourri cette terre de leur sang.
Devenue partie intégrante du comté de Toulouse en 1050, la région a suivi son seigneur dans le catharisme. Non loin de Rennes-le-château, l’antique Rhedea des Romains, on aperçoit la silhouette austère de Montségur, le dernier bastion des combattants cathares, tombé en 1244. Comme tout le reste du pays, Rennes – qui a donné son nom au pays : Rhedesium, le Razès -s’est endormi loin de l’histoire. Après avoir été une capitale de plus de 30 000 habitants, la ville a fini par devenir un pauvre hameau, défendu par un vieux château, au confluent de l’Aude et de la Sals.

Portrait du curé François Béranger Saunière

Marie Denarnaud, l’une des rares photographie de la gouvernante de l’abbée Saunière

En 1885, un homme de trente ans découvre les quelques petites maisons qui bordent l’unique rue du village. François Béranger Saunière vient d’être nommé curé de la minuscule église de Sainte-Madelaine. Il jette un oeil distrait sur le bâtiment. D’origine pauvre et premier de sept enfants, l’abbé Saunière n’a pas de goûts de luxe. C’est un homme solide, rustique même, pour qui l’Eglise constitue une sorte de promotion sociale.

L’église de Rennes-le-Château, située au fond d’une étroite ruelle.

L’église Sainte-Madelaine se dresse sur l’emplacement de l’ancien palais fortifié des Wisigoths. Elle n’est pas en très bon état. En 1892, l’abbé Saunière, aui a, entre-temps, pris la jeune Marie Denarnaud pour gouvernante, veut restaurer le bâtiment : il vient d’apprendre qu’un de ses prédécesseurs a fait un legs pour assurer l’entretien des lieux.

Premier travail d’urgence : réparer l’autel. C’est une épaisse dalle de pierre, dont une extrémité est scellée dans le mur de l’église, tandis que l’autre est soutenue par une colonne sculptée par les Wisigoths. En faisant soulever la dalle, l’abbé Saunière a la surprise de découvrir que la colonne est creuse : trois tubes de bois, scellés à la cire, sont dans la cavité.
Ils contiennent quatre manuscrits. Leur copie est parvenue jusqu’à nous. A première vue, ce ne sont rien d’autre que des transcriptions de passages de l’Evangile, rédigées en latin dans une écriture archaïque et quelque peu étrange.
Le premier de ces manuscrits (Jean; XII, 1-12) décrit la visite du Christ à la maison de Lazare, à Bethanie. Le deuxième raconte l’histoire des disciples qui égrènent les épis de blé, le jour du sabbat : cette version est élaborée à partir de celle de Matthieu (XII, 1-8), de Marc (II, 23-28) et de Luc (VI, 1-5).
Cependant, si on les examine plus attentivement, ces manuscrits font apparaître un certain nombre de détails inattendus : les monogrammes respectent des compositions différentes. Des lettres ont été ajoutées au texte. Certaines sont remplacées par des points. d’autres ont été déplacées… L’ensemble compose une énigme dont la clé est accessible aux seuls cryptographes.
Au début de 1893, l’abbé Saunière soumet les manuscrit à Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne. celui-ci l’autorise à partir pour Paris et lui accorde une bourse pour les faire déchiffrer. Dans la capitale, François Béranger Saunière montre les documents à l’abbé Biel, le directeur spirituel Saint-Sulpice, qui l’introduit auprès de son neveu, l’éditeur Anet, spécialiste du livre religieux. L’abbé Biel présente également Saunière à son petit-neveu, Emile Hoffet, qui allait devenir une autorité en matière de vieux manuscrits et d’ésotérisme.

Emma Calvé

En trois semaines, le curé de Rennes-le-Château passe le plus clair de son temps au … Louvre. Il y achète trois reproductions de tableaux, apparemment sans lien : Les Bergers d’Arcadie, de Nicolas Poussin, le Portrait de saint Antoine, de David Teniers, le Portrait du pape Célestin V, d’un artiste inconnu. Il devient égalmeent l’ami d’Emma Calvé, qui est alors la coqueluche de Paris : pour un curé de campagne inconnu, ce n’est pas un mince succès. Cette belle chanteuse est alors au faite de sa carrière : célèbre dans Carmen et dans Faust, l’opéra de Gounod où elle donne toute la mesure de sa voix de soprano, elle revient tout juste de Londresn où les Anglais lui ont fait un triomphe. La reine Victoria l’a même invitée à Windsor. Elle restera très longtemps l’amie de l’abbé Saunière et lui rendra régulièrement visite, jusqu’à son mariage, en 1914.

Face cachée et sculptée d’une dalle située à côté de l’autel

De retour à Rennes, le jeune curé reprend son travail de restauration. Avec quelques jeunes gens du village, il entreprend de soulever une autre dalle, face à l’autel. La face caché se révèle sculptée, dans un style archaïque daté du VIe ou du VIIe siècle.
On peut y voir deux scènes, qui se déroulent toutes deux dans un lieu voûté ou dans une crypte. A gauche, un chevalier sur sa monture sonne du cor de chasse, tandis que son cheval abaisse le col pour abreuver dans une fontaine. A droite, un autre chevalier brandit un bâton de pèlerin et porte un enfant sur son arçon. Usée et cassé, la pierre laisse difficilement deviner les sujets, mais la facture est incontestablement ancienne.
Une fois la pierre levée, l’abbé Saunière demande aux jeunes gens de creuser sur plusieurs mètres. Au bout d’un moment, la pioche fait sonner un objet dur. C’est alors qu’il s’enferme seul dans son église.
D’après la rumeur publique, deux squelettes auraient été exhumés, ainsi qu’un pot de médailles sans valeur. Ce qui est tout à fait plausible : au cours de fouilles récentes autour de l’église, on a retrouvé un crâne fendu rituellement.
Après cette découverte, l’abbé Saunière arrête de travailler dans son église. On le voit courir la campagne, un sac sur le dos, en compagnie de sa gouvernaute. Il revient tous les soirs, le sac pleins de cailloux choisis avec soin. Quand on l’interroge sur son étrange comportement, il répond qu’il a décidé d’orner d’une grotte en pierres le minuscule jardin qui se trouve en face de l’église…

La grotte est toujours en place de nos jours. Mais elle a été pillée. Par des amateurs de souvenirs ou par ceux qui cherchaient peut-être le secret de François Béranger Saunière ?

Autre passe-temps étrange de l’abbé : au fond du cimetière, près de l’église, il y avait deux pierres tombales, dont celle de Marie de Négri d’Albes, morte en 1781, épouse de Francis d’Hautpoul, seigneur de Rennes-le-Château. Une nuit, il les déplace à l’autre bout du cimetière et efface soigneusement les inscriptions. En vain : certains archéologues les avaient déjà relevées et nous savons aujourd’hui que l’une de ces pierres portait la même omposition de monogrammes que l’un des manuscrits.
Au cours des deux années suivantes, le curé de Rennes-le-Château ne cesse de voyager. Il ouvre un compte en banque à Perpignan. Un autre à Toulouse. Un autre encore à Paris et un quatrième à Budapest. Des mandats arrivent de toute l’Europe, libellée au nom de Marie Denarnaud, apparemment expédiés par différentes communautés religieuses.
A partir de 1896, l’abbé Saunière entame un vaste programme de remise à neuf de l’église. Presque tout a subsisté de nos jours, et l’effet en est saisissant : adaptant un carrelage de 64 carreaux noirs et blancs alternés, François Béranger Saunière les ordonne diagonalement à la jonction de la nef et du transept. A côté du portail d’entrée, il dresse un monument étrange, aux couleurs criardes : un bénitier posé sur la tête d’Asmodée, de dimensions humaines et le regard mauvais. Au-dessus : quatre anges ailés, qui portent la devise “Par ce signe, tu vaincras”, une citation qui passe pour avoir entraîné la conversion de l’empereur Constantin.

Le porche de l’église où l’on peut lire, au-dessus de l’arche : Terriblis est locus iste

Les murs de l’église sont recouverts de peintures en relief de style populaire : quelques stations d’un chemin de croix et des représentations du Christ. Le curé entreprend lui-même de peindre le portrait de Marie-Madelaine qui orne le devant de l’autel. Encore plus étrange : les paroles de Jacob, à Bethléem, “Ceci est un endroit terrible”.

La tour Magdala

Une fois les travaux terminés dans l’église, l’abbé Saunière ne renonce pas à sa soif de reconstruction. Il achète un terrain situé entre l’église et la partie ouest de la colline, et y fait construire une promenade semi-circulaire, terminée au sud par une tour de deux étages, la tour Magdala.

Intérieur de la tour Magdala

A l’intérieur de la promenade, il crée un jardin et, à l’est, il fait construire une pension, baptisée Béthanie. Il y entasse des meubles rares et y reçoit royalement ses invités, toujours traités avec des vins fins et bonne chère. On y voit, aux côtés d’Emma Calvé, des académiciens, des ministres, des écrivains, presque tous les notables de la région, et même un homme que l’on a dit être – incognito – l’archiduc Jean de Habsbourg.

La villa Béthanie

En 1917, quand l’église Saunière disparaît, on calcule rapidement le montant de ses dépenses : plus de 1 millions de francs-or ! Jusqu’à sa mort, Marie Denarnaud, sa gouvernante, n’a manqué de rien. Elle a elle-même estimé sa propre fortune à 100 000 francs-or.
Mais comment ce petit abbé, pauvre curé d’une paroisse encore plus pauvre, a-t-il pu devenir un homme aussi riche ? Quel trésor a-t-il pu retrouver pour pouvoir se permettre de telles dépenses ?

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